By Lily Robert-Foley

This paper explores some possibilities for what a “Queer” practice of translation might entail (or in French, « Queere » with the agreement). I adopt a strategy used by Rachel Galvin in her 2014 article “Poetry is Theft”, where instead of using North American, canonical theoreticians to read South American writers, she uses South American theory to critique North American conceptual writing. In other words, instead of using translation theory to read Queer texts, I use queer theory to read translation—in theory and in practice.  My exploration treats a critique of origins, performativity and détournement, regenerating and permeable binaries, and finally, proposes a multiplicity of different practices—Outranspian among others—to ponder whether we might consider them a “queer” practice of translation, or not.

« Traduction donc : ordure, taré, pédé, anormal, gouine, trou du cul, malsain, vraiment bizarre ! » (Marie-Hélène Bourcier, Queer Zones, 150)

C’est en 1986 que l’expression « feminist translation » a vu le jour dans le cadre d’un titre de panel organisé par Sherry Simon à un colloque sur la traduction littéraire. La traduction féministe peut être une optique de lecture qui cherche à mettre en valeur le travail des traductrices ou à exposer des instances de la misogynie dans l’histoire de la traduction, elle peut également concerner une lecture féministe des discours qui entourent la traduction, lecture qui expose alors leur dimension genrée, par exemple dans celle que fait Chamberlain des « belles infidèles », où la traduction est codé comme contrat de fidélité entre « translation (as woman) and original (as husband, father) ».  De même, elle peut concerner une lecture des architectures misogynes de la langue (entre français et anglais dans le cas de Lotbinière-Harwood), au niveau de la grammaire, lorsqu’on adopte le masculin comme forme de neutre par exemple, ou dans son métadiscours, par exemple dans une série d’homologies qui lierait le corps à la femme et l’esprit à l’homme. Enfin, chez Susanne de Lotbinière-Harwood et plus tard dans le travail de Luise Von-Flotow, la traduction féministe devient une pratique. Von Flotow caractérise cette pratique par le paratexte (« prefacing and footnoting ») et les interruptions : « supplementing » (nuancer) « highjacking » (s’approprier). Une analogie thématique s’annonce ainsi entre l’invisibilité du traducteur et celle de la femme. Cette pratique de traduction féministe va contre la doxa de la traduction, car il s’agit de changer l’original et de trahir l’autorité de la voix de l’auteur. La traduction devient alors le lieu d’une négociation de pouvoir, voire d’une administration de justice — elle n’est plus une activité transparente : elle ne veut pas préserver les injustices du passé, elle voudrait les changer, et elle appuie sur la capacité transformante, voire déformante[1] offerte par la traduction pour le faire. Une alliance s’annonce donc au niveau d’une pratique de texte : entre nier le privilège ontologique de l’origine du sens, et se l’approprier ou détourner l’autorité d’un texte comme acte de résistance politique. C’est donc une pratique qui réécrit, non seulement le texte, mais aussi un discours sur les rapports de signification.

Faire le lien entre le genre et les rapports de signification peut engendrer un système de « troubling dualisms » (Haraway 27), une chaîne homologique qui nouerait une série de rapports binaires ensemble. Pour cet article j’adopterai celle de Donna Haraway, qui dresse ainsi la série suivante : « self/other, mind/body, culture/nature, male/female, civilized/primitive, reality/appearance, whole/part, agent/resource, maker/made, active/passive, right/wrong, truth/illusion, total/partial, God/man. » (Haraway 27). La domination, dans ce modèle, est (post)structurelle, elle se rattache à la structure binaire et se perpétue ainsi. Cette pensée de reproduction structurelle appelle à défaire les hiérarchies binaires, en espérant qu’un renversement quelque part dans la chaîne accomplirait le même travail ailleurs. Elle raconte de même un certain récit entre le féminisme et le queer : si la catégorie « femme » est une invention de la domination masculine-hétérosexiste, on ne peut pas revenir sur cette catégorie sans que toute l’armature qui l’a générée tombe en panne : lutter c’est découpler. Cet article propose d’explorer dans un premier temps quelques connexions (problématiques) entre la pensée de la traduction et la pensée queere, et cherche par la suite une pratique qui se veut « traduction queere ». J’examinerai cette possibilité sous l’angle d’une pratique de lecture ainsi que sur celui d’une pratique d’écriture, car la traduction en appelle aux deux. Comme propose Lori Chamberlain, « translation threatens to erase the difference between production and reproduction which is essential to the establishment of power. » (322).

Effets d’histoire

Chercher à établir un rapprochement entre la Traduction et le Queer[2] implique de faire dialoguer deux champs immenses, polyglottes et polyphones, interdisciplinaires et transversaux. C’est ce que Doris Bachmann Medick signalait en 2009 en employant la notion du « translational turn », suite au « cultural turn » dans son introduction à une édition spéciale de Translation Studies consacré à la notion : « ‘translation’ is no longer restricted to a particular object of investigation, but moves right across the disciplines as a new means of knowledge and a methodologically reflected analytical category » (4). La Traduction et le Queer partagent ceci donc dans un premier temps : être moins un objet d’étude qu’un outil ou une optique de lecture. Ils appartiennent tous les deux à l’ère des turns, dont la prolifération fait penser à ce qu’on appelle un spaghetti bowl aux Etats-Unis pour désigner un entrecroisement de voies et de routes, qui se superposent et se rencontrent, se chevauchent, et s’écartent. Et cette prolifération, génératrice de nouvelles créations à partir de l’hybridité, est motivée par un désir d’arriver à la next thing : la traduction queere dans ce sens serait semblable au sushi burrito, délire de la cuisine fusion, certes commercial, mais délicieux. Les facettes néo-libérales du Queer et de la Traduction ont été bien documentés (Alderson, 2005, Petäjäniemi-Brown, inédit).

La richesse et les malentendus de l’interdisciplinarité s’y mêlent. Cette interdisciplinarité peut produire des connexions étonnantes et fécondes, mais elle peut aussi conduire à des crispations disciplinaires. Dans un article de 2013, Valerie Traub défend les méthodes de la discipline de l’Histoire contre les penseurs du « queer temporality »[3], qui visent « a mode of inhabiting time that is attentive to the recursive eddies and back-to-the-future loops that often pass undetected or uncherished beneath the official narrations of the linear sequence that is taken to structure normative life » (Annamarie Jagose, cité dans Traub 22). Cette pensée de « queer temporality » s’opposerait à une « straight temporality », linéaire et téléologique, dans laquelle, selon Traub, « empiricism and periodization are judged inimical to queer. » (28)

Ce conflit peut rappeler la dimension du mot « queer » entendue moins dans un sens unique que comme un point de rencontre de plusieurs vecteurs, comme un spaghetti bowl. L’article de Valerie Traub soulève une autre tension importante qui existe au cœur du mot queer : celle entre l’Université et la Rue. La notion de Queer a été reprise — notamment à partir des écrits d’Eve Kosofsky Sedgwick — comme un outil universitaire qui sert à mettre les termes en mobilité et à déstabiliser les points d’ontologie fixe : « one of the things queer can refer to [is] the open mesh of possibilities, gaps, overlaps, dissonances and resonances, lapses and excesses of meaning when the constituent elements of anyone’s gender or anyone’s sexuality are made (or can’t be made) to signify monolithically » (Queer Times, 485). D’une certaine façon, cet usage sert à déplacer le terme de son engagement politique et militant pour l’approprier à plusieurs disciplines universitaires. C’est l’usage du mot qui se signale par l’emploi du verbe en anglais « to queer » ou en français, chez Boucier « queeriser ». Selon la lecture de Traub, les penseurs de la Queer Temporality renient toute référence à une identité fixe, tandis que « Identities may be fictions… but they are weighty ones and still do important work » (33). Dans quelle mesure une critique de l’ontologie téléologique peut-elle nuire aux stratégies politiques du monde « réel » ? Pour le savoir universitaire, s’approprier le mot « queer », n’est-ce pas instaurer un  mécanisme de privilège — intellectuel et de classe — qui va tout à fait contre son projet même, lequel consiste à découpler les binarismes de domination ?

Cette tension qui tâtonne, qui reproduit les mécanismes mêmes qu’elle cherche à défaire par sa propre recherche, existe aussi dans les tensions de la traduction, à commencer par la traduction du mot queer . Selon la terminologie de la traductologie, ce mot est un « emprunt », transposé depuis l’anglais sans modification. Mais la traduction modifie toujours, et tout particulièrement quand elle se veut transparente (comme les idéologies qui, plus elles se disent « transparentes » plus elles embrouillent les optiques de domination). Considérons l’exemple du mot « cake », dont l’emprunt n’a rien avoir avec la traduction (« cake » = « gâteau »). Il s’en va de même pour « queer » qui ne veut pas dire queer, pas exactement. C’est pour cette raison que je prends soin de faire l’accord d’adjectif quand l’occasion se présente (par exemple dans « traduction queere »). D’abord le mot à l’oreille, « queer », pourrait désigner un matériau pour vêtement ou meuble, ou bien un procédé culinaire. En anglais le sens du mot queer le rapproche des thématiques de la pensée de la traduction : il veut dire « étrange », « bizarre », « monstrueux ». Queer comme verbe : to queer, queeriser, voudrait dire alors « rendre étrange », ce qui peut rappeler Antoine Berman sur la traduction et le rapport à l’étranger : « le développement d’une culture propre et nationale peuvent et doivent passer par la traduction, c’est-à-dire par un rapport intensif et délibéré à l’étranger » (56-57). Ses racines le lient également en Proto-Indo-Européen à terkw : « to turn, twist, wind ». L’histoire étymologique — performative ou empirique, la question n’est pas là — le lie donc aussi à la traduction, ou du moins à la « version », vertere (tourner).

Queer est par ailleurs une appropriation d’un terme péjoratif, qui — même si on le sait — n’aura sans doute pas la même résonance pour un francophone que pour un anglophone qui a connu la violence de ce terme. Ce francophone ne connaîtrait donc pas la force de son appropriation. Le mot « queer », dès lors, raconte une histoire, plusieurs histoires qui prolifèrent en traduction. C’est ce que Lara Cox démontre dans son article « Reaching for Archive Fever : A Tall Tale about Queer ‘Made in France’ » ou elle démêle quelques récits d’origines concernant l’arrivée du mot « Queer » en France, notamment celui de François Cusset, qui revendique le statut d’introducteur de la notion en France[4] en 2002, juxtaposé avec la publication du livre Q comme queer en 1998 par Le Zoo, un groupe d’activistes, et les Queer Zones de Marie-Hélène Bourcier. Dans l’article de Cox, les échanges entre l’Université et la Rue[5], pour le dire ainsi, se chassent et s’entrecroisent, et il en va de même lorsque Bourcier retrace et trouble les lignes d’hiérarchies construites dans l’archive. Dans le récit de Cusset, le Queer est défini d’abord par son rapport au phallique (son livre Queer Critics commence par un développement sur le « glory hole »), pour mieux en faire le lieu d’une déstabilisation du canon littéraire : le Queer sert à relire et à déstabiliser le canon littéraire. C’est une version des choses, pas moins vraie que les autres. Les écrits de Bourcier en présentent une autre, selon laquelle le Queer serait un entremêlement de théorie et d’engagement politique très noué à la pensée féministe, et relativement éclipsé dans le livre de Cusset. Cox met en évidence le processus d’effacement des voix militantes de femmes et de queers — à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Université — dans les voies de transmission de ces deux visions.

Si je parviens à soulever des thématiques communes entre ces deux champs, c’est au moins en partie parce que je les présente dans la lignée d’un héritage post-structuraliste partagé. Je vais donc être appelée à m’appuyer sur beaucoup d’architextes ou d’archicitations. Pour lutter contre le risque que ces références se transforment en clichés, je vais chercher autant que possible à interroger les positionnements de citationalité qui font de ces textes des autorités dans un genre qui cherche malgré tout à défaire les rapports d’autorité. Les connexions que je cherche à établir sont par ailleurs assez ambitieuses, et regroupent beaucoup de travaux très hétérogènes. Ce faisant, j’effectue sans doute un processus de monumentalisation qui est tout à fait antithétique aux ambitions de beaucoup de chercheurs travaillant dans les deux champs. Je le fais quand même, en acceptant la part de paradoxe que cela induit.

Afin de chercher à remettre en cause cette dépendance du canon de la Traduction et le Queer et les processus de monumentalisation liés aux effets secondaires du privilège universitaire, je m’appuie sur un article inédit écrit par un traductrice freelance finlandaise, Soili Petäjäniemi-Brown. Dans son article, Petäjäniemi-Brown propose comme modèle de traduction le mode d’emploi pour un appareil d’assistance de vie. Elle se situe ainsi dans toute une lignée de discours féministes et queers dans lesquelles la technologie s’articule avec la biologie pour défaire les binaires humain/machine et par conséquent, sujet/objet (Haraway, Halberstam, Preciado). La figure du cyborg traverse ses analyses puisque la traductrice est associée voire assimilée à une machine (la traductrice se sert aussi des machines) qui doit suivre la logique comptable du travail de la traduction : elle est payée au mot, et doit travailler très vite sans commettre d’erreurs. Petäjäniemi-Brown traite les points de convergence et de divergence entre les pratiques à l’œuvre dans le marché du travail et la théorisation dans la traduction féministe. Pour ce faire, elle se sert de la notion derridienne de la traduction comme contrat, comme échange et comme économie. Or, bien que Petäjäniemi-Brown relève et dépende du même récit d’origine post-structuralisme que moi, elle marque un point de rupture important : « what makes feminist translation context unique is the transliteration of these concepts that for Derrida signal a ‘law of translation,’ into explicit political translational practices » (6). Comme dans la lecture de Cox du Queer, la traduction est marquée par sa situation entre théorie et pratique. Par conséquent, les chercheurs auront souvent un désir de s’engager concrètement dans les luttes politiques, et d’explorer quels enjeux pourraient entamer les pratiques textuelles et identitaires contre l’« unity-through-domination or unity-through-incorporation » (Cyborg Manifesto 8) ; « What kind of politics could embrace partial, contradictory, permanently unclosed constructions of personal and collective selves and still be faithful, effective- and ironically, socialist-feminists ? » (Cyborg Manifesto 9).

Dans la dernière partie de cet article, je proposerai de remettre en cause cette théorisation en montrant que la traduction relève de la pratique : on ne fait pas que penser la traduction, on traduit, « While translators/translations are subjects to contracts, Derrida talks about translation as contract. » (Petäjäniemi-Brown, 2). Sur le modèle de Petäjäniemi-Brown, je vais essayer de proposer un mode d’emploi pour travailler dans cet entre-deux qui articule théorie et pratique, en employant la métaphore de la machine à traduire.

Point d’origine

            Dans la phrase « point d’origine », il demeure une ambiguïté qui exprime la tension et la difficulté que rencontre la notion d’origine à travers les deux champs que nous essayons de tisser ensemble. « Point d’origine » comme le lieu où se situe l’origine ? Ou « point d’origine » comme « pas d’origine » ? Autrement dit, quelle chronologie, quelle narration peut-on raconter pour cette origine ? L’original d’une traduction par exemple, est-ce ce qui précède la traduction, ce qui lui donne tout son sens ? Ou bien la traduction est-elle constituée en amont, fournissant un « originel » qui ne prend sens qu’à partir de la traduction : « It seems more urgent than ever to be aware of the instability of the ‘original,’ which can be meticulously uncovered through the practice of translation » (Niranjana 186). La machine à traduire donc pourrait être conçue comme une sorte de cyborg au sens de Harawayan : « the cyborg skips the step of original unity » (CM 3).

Nous ne pouvons qu’appliquer ce questionnement à notre propre démarche, où beaucoup de liens tissés vont émaner d’un même « point d’origine » post-structuraliste, selon Bourcier sur la théorie queere qui serait un « hypertexte constant qui s’est fait et se refait dans le sillage de la déconstruction. » (QZ 139) Bourcier critique le positionnement de Butler comme archithéoricienne du Queer, et rappelle dans Queer Zones la bifurcation dès l’origine de son usage universitaire des définitions du mot queer, cette « traduction littérale impossible » (150) : « Teresa de Lauretis allait lui donner une tout autre signification qui ne devrait rien à Judith Butler celle-ci ayant d’ailleurs été estampillée reine de la théorie queer par d’autres. » (151) Ce questionnement du statut de l’origine est lui-même devenu un mythe d’origine, comme Cox le souligne avec justesse dans sa critique du discours qui place le « French Theory » à l’origine de la pensée queere. La pulsion à re-instaurer le centre est une addiction pharmacopornographique, un piège duquel nous ne pourrions nullement sortir, une machine à traduire qui traduit toujours les mêmes syntagmes par les mêmes syntagmes, alors que ces traductions ne font aucun sens dans le contexte, qui se reproduit/régénère comme un virus. Cette machine ne règlerait pas seulement le discours qui entoure la pensée queere, mais son argumentation et son architecture même. Si Butler, dans Gender Trouble notamment, mène une chasse aux récits ontologiques des penseurs de la psychanalytique et du féminisme en visant à exposer toute trace d’identité ou d’essence universelle discursive avant ou après sa construction culturelle, elle en fait de cette chasse son propre centre, un « origin, a time before what some would call ‘patriarchy’ » (GT 47). Et comme la machine à traduire, il faudrait critiquer de même le retour constant à l’anglais, langue hégémonique par où Google Translate repasse à chaque traduction entre deux langues qui n’ont pas un dictionnaire bilingue en commun. Par exemple, pour traduire entre le créole haïtien et l’azerbaïdjanais, Google Translate va traduire le créole haïtien vers l’anglais et l’anglais vers l’azerbaïdjanais.

La remise en cause du statut de l’origine prend forme dans la pensée de la traduction tout d’abord comme une remise en cause du statut de l’original, et le rapport de pouvoir qui s’y inscrit et s’y reproduit. La dépendance à l’original est liée à l’importance accordée à l’autorité de la voix de l’auteur et à la téléologie herméneutique d’un sens unique : elle repose sur l’idée qu’il peut et doit y avoir une signification définitive et repérable. Privilégier le texte de la traduction et le travail du traducteur est, selon ce modèle, s’engager envers les rapports de pouvoir au sein du signe lui-même. Le privilège donné à la voix de l’auteur de l’original est incarné également dans les rapports du marché de travail de la traduction, où les demandes des contrats de traduction sont « converted into a set of demands that govern translators’ translation practices (3) » ; « The contract… is characterized by a certain excessiveness of immoderation which bespeaks this inequality of power. » (5)

Ce rapport à l’autorité confié à l’original a été repensé, dans les vingt dernières années notamment, pour explorer ce que l’optique de la traduction peut faire en conjonction avec la pensée post-coloniale. Dans leur introduction à l’ouvrage collectif Post-colonial Translation, Susan Bassnett et Harish Trivedi signalent que « the invention of the idea of the original coincides with the period of early colonial expansion when Europe began to reach outside its own boundaries for territory to appropriate. » (2) Dans ce modèle, privilégier l’original va de pair avec un discours occidental-colonial. Remettre cela en cause serait donc poser un défi, voire faire un geste émancipateur. Dans un premier temps, ce geste peut prendre la forme d’une critique où le privilège accordé à l’original est associé à une certaine construction du texte, où l’auteur est vu comme « propriétaire » de son texte. Or, il y a d’autres manières de penser la traduction — et donc le texte et son auteur — dans d’autres cultures où les traductions peuvent être vues comme faisant partie des variations infinies, ou comme les suppléments ou réécritures d’un texte. Bassnett et Trivedi donnent l’exemple du mot en Sanskrit pour la traduction : « Thus, ‘imitation’ in the neo-classical sense was in India a form of translation as being a repetition of something already written, and formed the staple of the pre-colonial literary tradition » (9). La remarque peut également être faite en ce qui concerne les changements historiques et en ce qui concerne la conception des textes et la notion de l’auteur à l’ère médiévale par exemple (Nathalie Koble). En effet, une critique post-coloniale de la pensée humaniste et universaliste de l’Ouest, met l’accent souvent sur sa tendance naturalisante, laquelle peut avoir pour effet d’effacer les spécificités historiques en ramenant tout au « même » du sujet européen, blanc et masculin. Chez Niranjana la vision humaniste de la traduction tend à effacer les asymétries de pouvoir « Translation… has traditionally been viewed by literary critics in the West (at least since the Renaissance) as the noble task of bridging the gap between peoples, as the quintessential humanistic enterprise » (47) ; « Its notions of text, author, and meaning are based on an unproblematic, naively representational theory of language [connected to] the refusal to consider questions of power and historicity. » (49). Butler, de même, s’appuie sur la traduction dans sa critique de l’universalisme, qu’elle associe à une économie du même au service d’une connaissance transparente : « translation cannot be simply assimilation of what is foreign into what is familiar; it must be an opening to the unfamiliar, a dispossession from prior ground, and even a willingness to cede ground to what is not immediately knowable within established epistemological fields. » (Parting Ways 12, cité dans Iwona Janicka, 366).

Comme pour la traduction féministe, ces asymétries sont visibles également dans les tropes et les métaphores sur la traduction. D’abord, dans les métaphores qui positionnent l’Europe comme « the great Original, the starting point, and the colonies were therefore copies or ‘translations’ of Europe, which they were supposed to duplicate » (Bassnett et Trivedi, 4), nous pouvons entendre, sans doute, des résonances avec la lecture de Chamberlain de la métaphore des belles infidèles, où la traduction est la femme et l’original est le mari ou le père. Or, ces métaphores peuvent être retournées, ou détournées, ainsi la métaphore du cannibale, tirée du Manifesto Antropófago de Oswald de Andrade par Haraldo de Campos, définit la pratique de la traduction comme dévorant les textes canoniques de l’Empire pour se nourrir, se régénérer par la voie de l’hybridité, en basculant les asymétries de pouvoir. « ‘Cannibalistic logic’ is a logic of copia. It seeks radical mixing (of genres, registers, sociolects), abundant reformulation, and reimagining, and in the process re-authors its ‘source’ texts… this archive offers a provocative rethinking of cultural and sociopolitical power, colonization’s legacy of race-based oppression, and the ways in which global capital is a form of institutionalized oppression. » (22) Dans son article, « Poetry as Theft », Rachel Galvin lie les métaphysiques de l’origine à l’auteur et donc à la propriété privée : « Twentieth-century notions of private property, patriarchy, and sovereignty are deeply intertwined with the metaphysics of origin. » (24) La question de la propriété privée a été aussi, bien sûr, un enjeu féministe, et pour Cixous, la figure du « vol » est fondatrice (Rire pp). La figure du cannibale réécrit un système de binaires métaphysiques par où la poétique n’émane pas du génie de l’âme (associée ici à l’origine et la propriété), et la déplace vers une rhétorique de processus corporels afin de concevoir les textes dans le contexte des asymétries de pouvoir.

Dans son article, Galvin détourne un reflet de la structure origine-source inscrite dans les asymétries entre les pouvoirs colonial et post-colonial tels qu’ils se reproduisent au sein de nos propres pratiques universitaires, en déployant les outils théoriques de l’Amérique du Sud pour relire l’écriture « conceptuelle » (l’« uncreative writing » de Kenneth Goldsmith) de l’Amérique du Nord. Pourrait-on emprunter sa stratégie pour notre objectif : élaborer une pratique de « traduction queere » ?

Détournement et perméabilité : pratiques corporelles 

Le détournement de la structure d’« original » et « copy » joue un rôle également très important dans le Queer, dans les réflexions sur le drag et le camp, notamment théorisés par David Halperin et Judith Butler et qui relèvent la dimension performative de l’identité considérée comme « originale » ou « primaire ». : « The replication of heterosexual constructs in non-heterosexual frames brings into relief the utterly constructed status of the so-called heterosexual origin. Thus, gay is to straight not as copy is to original, but rather, as copy is to copy. » (GT 43) Prise isolément, cette citation pourrait presque être lue comme un commentaire sur la traduction. Autrement dit, déplacer le privilège de l’original vers la traduction offrirait donc un récit parallèle à celui qui déconstruit les ontologies identitaires dans les performances parodiques du genre. Dans les deux cas, la déconstruction opérée entre dans une critique métaphysique de part ce qu’elle implique pour la division hiérarchique entre corps et esprit : le corps est-il une représentation d’un esprit originel de l’être ? Ou l’esprit est-il généré — comme l’original d’une traduction — après coup, à travers une performance du corps ? Les féminismes nous ont montré que la division entre corps et esprit est bien genrée : « As in the existential dialectic of misogyny, this is yet another instance in which reason and mind are associated with masculinity and agency, while the body and nature are considered to be the mute facticity of the feminine, awaiting signification from an opposing masculine subject. » (GT 50)

Cette division entre corps et esprit de la lettre est aussi très importante pour la Traduction lorsqu’on parle du corps et de l’esprit de la langue. La question de savoir ce qui règle la traduction, le corps ou l’esprit, est souvent invoquée dans le débat entre sourciers et ciblistes — le sourcier étant celui qui reste au plus près de la lettre/corps des mots en traduisant le plus littéralement possible, et le cibliste étant celui qui reste au plus près de l’esprit du mot. Cette distinction est théorique et, comme c’est souvent le cas en Traduction (ou en traduction), se trouve déconstruite en pratique, où traduire le « corps » des mots peut parfois impliquer une démarche cibliste à l’extrême lorsqu’elle vise à traduire un motif formel intraduisible. Dans sa thèse, Ludivine Bouton-Kelly démontre en quoi la littéralité peut être « gage de littérarité » (153), et dans sa traduction d’At Swim Two-Birds de Flann O’Brian, son choix de laisser les mots irlandais tels quels peut être lu comme un choix sourcier à l’extrême. Or, ce choix introduit dans le texte français l’étrangeté que représentent ces mots dans le texte anglais, indiquant une défamiliarisation de la langue d’arrivée tout à fait cibliste. La distinction entre sourcier et cibiliste n’est sans doute nulle part aussi nettement articulée que dans la division pédagogique entre thème et version, comme on peut le constater dans l’exemple que fournit le TLF pour le « thème » : « Un enfant qui fait un thème a des idées dont il cherche des mots, et celui qui fait une version a des mots dont il cherche les idées. » Mais comme pour la pratique de la traduction, cette distinction, pour la pédagogie, est purement théorique, surtout lorsqu’il s’agit des cours bi ou multilingues.

En tant que distinction théorique, la préférence pour le corps ou l’esprit de la langue s’articule selon les biais idéologiques. Une vision de la traduction qui privilegie l’« esprit » entre ainsi dans un système de binaires, lesquels pourraient donc avoir tendance à renforcer certaines idéologies occidentales qui effaceraient les différences et les asymétries non seulement dans les pratiques textuelles, mais aussi dans le modèle du signe lui-même :

As Barbara Johnson points out, translation ‘has always been the translation of meaning.’ The idea that signified and signifier can be separated informs the classical conception of philosophy as well as translation. Derrida has long contented that translatability as transfer of meaning is the very thesis of philosophy. The notion of the transcendental signified that for him is a founding concept of Western metaphysics ‘takes shape within the horizon of an absolutely pure, transparent, and unequivocal translatability. The concept of translation that grounds Western metaphysics is the same one that presides over the beginnings of the discourse of Orientalism. Neither is prepared to acknowledged, in its humanism and universalism, the heterogeneity that contaminates ‘pure meaning’ from the start, occluding also the project of translation. (55)

Penser la traduction à travers le corps serait donc un angle d’approche pour une critique des idéologiques de la métaphysique de présence au sein du discours de la traduction. Dans un article pour un numéro spécial de la revue Comparative Literature Studies consacré aux liens entre la traduction et le queer, Aaron Lacayo propose de penser la traduction comme une pratique incarnée et queere, un « embodied queer praxis », par où les corps de la langue sont relus à travers la notion de la différence dans la lecture de Elizabeth Grosz de Luce Irigaray. Dans cette lecture, les corps (des textes) se multiplient, ils deviennent épais, denses, et perméables, ils ouvrent vers des énièmes possibles, débordent leurs cadres et produisent des restes, « remainders ». Ce discours de perméabilité rappelle peut-être l’expérience de Béatriz Preciado dans Testo Junkie où elle écrit chaque chapitre après une infusion de testostérone. Elle change son corps en écrivant, elle infiltre l’espace du patriarcat en sens inverse, par la perméabilité de sa propre peau. Comme elle le raconte, la testostérone est très perméable, et passe facilement de corps en corps, « Il suffit de l’approcher de la peau, pour que d’un simple voisinage avec le corps, elle disparaisse et se dilue dans mon sang. » (64) Cette perméabilité défait la division des corps en sexes, « Le corps sexuel est le produit d’une division sexuelle de la chair » (44). Le cyborg à traduire aurait de même une certaine perméabilité entre les codes de la langue et les codes d’ordinateur.

La rhétorique de perméabilité peut être retracée jusque dans les écrits de Donna Haraway, où la perméabilité (20), l’interruption ou l’effondrement (breakdown) (24) des oppositions et des matrices de domination qui y sont inscrites servent d’armes contre les informatics of domination qui prennent forme justement dans une sorte de traduction : « the translation of the world into a problem of coding, a search for a common language in which all resistance to instrumental control disappears and all heterogeneity can be submitted to disassembly, reassembly, investment and exchange. » (Cyborg Manifesto 15). Chez Haraway, la logique de quantification est liée à celle de l’universalisme, dont le couple ferait la technè de la domination et l’oppression, structure qui traverse l’histoire des rôles genrés ainsi que celle du colonialisme. Le mode de résistance dans cette armature de pouvoir serait l’écriture cyborg : « Cyborg writing is about the power to survive, not on the basis of original innocence, but on the basis of seizing the tools to mark the world that marked them other. » (25)

Toujours selon Petäjäniemi-Brown, cet usage de la traduction — comme métaphore d’une logique qui vise l’universel par la quantification des unités —, peut se situer en position critique de Derrida, chez qui la traduction est conçue en tant qu’économie : comme compte et calcul, comme division entre propre et autre, « this trading in signs is done in words conceived as countable, calculable, exchangeable. » (Petäjäniemi-Brown 2, à propos de Derrida). Cette économie, qui chez Derrida déborde et résulte en un mauvais calcul qui déstabilise par ailleurs l’économie de « propre » et « autre », est reprise et remaniée chez Petäjäniemi-Brown dans le contexte de la réalité du marché de la traduction et de la situation des traducteurs (pour Petäjäniemi-Brown, les traductrices en particulier). L’économie comptable donc n’est pas présentée uniquement comme l’échange des unités signifiantes, mais comme partie d’une démarche technologisante, par où les structures de domination au sein du marché de travail se voient sensibles à la brisure cyborg. Cette lecture situe le véritable travail du traducteur au sein des informatics of domination. La traductrice, chez Petäjäniemi-Brown comme celle qui « is… always breaking with contract » (8) se prête alors à l’écriture cyborg : « the translator seeks to jam the machine that supports the life of patriarchy in language » (8) ; « What in the freelance translation scenario would be mistranslation becomes political action. » (7).

Il n’est donc pas anodin que la logique de la quantification soit très forte dans un autre domaine de recherche sur la traduction qui dépend de l’étude des « normes » de la traduction (Toury). Mona Baker, Ria Vanderauwera, Shoshana Blum Kulka, Sara Laviosa-Braithwaite et Linn Øverås, tâchent dans leurs recherches de découvrir les « universels » de la traduction : processus de transformation linguistique qui seraient propres à la traduction, issus des « constraints… inherent in the translation process itself » (246), comme la tendance à l’ « explicitness » (243), la « disambiguation » et « a preference for conventional grammaticality » (244). Pour se faire ils se servent de la science de la linguistique de corpus, qui en effet cherche à diviser, quantifier et compter les occurrences des phénomènes linguistiques, à cueillir les donnés pour tabuler la fréquence des traductions de certains énoncés. Mais dans cette démarche, la division entre sujet et objet est brouillée par un biais tout à fait cyborg :  ce sont les machines qui font une première étape d’interprétation. L’unité du chercheur « humain » est ainsi déstabilisée, de même que le compte et le calcul de l’être post-humain, « One is too few, and two is only possibility…. The machine is us, our processes, an aspect of our embodiment, we are they. » (Cyborg Manifesto 29).

Signes perméables et performatifs, binaires régénératifs

Une approche ludique qui cherche à détourner l’origine pour défaire le compte est aussi une manière de repenser, de re-concevoir le signe linguistique et le déroulement de ses homologies structurelles et post-structurelles. Trop souvent, le post-structuralisme est pris pour un anti-structuralisme, qui efface l’importance de la répétition des structures dans les écrits qui s’y inscrivent. Tant que l’origine se situe dans une structure binaire, opposée aux copies, elle est susceptible d’être lue au sein d’une série de rapports binaires, comme celle de Haraway citée plus haut. Ce binaire (post)structurel reproduit et induit une prolifération des rapports hiérarchiques qui sont constitutifs du binaire, et en même temps se régénère et auto-prolifère. « In other words, if the model of a more diffuse and antigenital sexuality serves as the singular oppositional alternative to the hegemonic structure of sexuality, to what extent is that binary relation fated to reproduce itself endlessly ? What possibility exists for the disruption of the oppositional binary itself ? » (GT 37).

La lectrice sensible aux effets de rhétorique ne peut manquer de remarque cette phrase « In other words » qui marque le discours de Butler comme les clicks d’une machine régulatrice en marche. Et comme une machine, elle sonne quand elle y est parvenue, pour annoncer la matérialisation d’une définition. S’exprimer « in other words » c’est aussi traduire. Comme si chercher à construire un discours sans origine « beyond the law » (GT 127), un discours sur l’identité qui ne présuppose pas et ne se repose pas sur une ontologie hégémonique cherchant à « determine sex once and for all, and to determine it as one sex or another » (GT 150) déclenchait l’obsession de re-signifier. Ça rappelle le traducteur devant son texte qui tâtonne pour un mot, avant d’arriver au mot qui convient, qu’il trouvera peut-être, ou peut-être pas. Le traducteur arrive-t-il jamais à trouver le « mot juste » ? La traduction n’appelle-t-elle pas un fond d’intraduisible ?

Je lis les « autre mots » de Butler comme un bégaiement maniaque, une loggorhée obsessionnelle : la pulsion multiplicative du signifiant performatif dans sa mission d’échapper au leurre du centre ontologique, lequel se crée en paradoxe contre la volonté de se sortir des oppositions binaires qui se créent dans n’importe lequel discours ayant postulé une origine. En effet, nous pouvons peut-être reconnaître une démarche commune aux chaînes de signifiants en voie de déconstruction entre une version de la traduction qui se sert de l’intraduisible et la construction de l’identité chez Butler : « The notion of an ‘original’ sexuality forever repressed and forbidden thus becomes a production of the law which subsequently functions as its prohibition…. In other words, the law which prohibits that union is the selfsame law that invites it. » Dans cette citation, Butler analyse la place de l’inceste (en le comparant à l’homosexualité) comme prohibition qui fonde les ontologies identitaires nécessaires pour que la matrice de l’hétérosexualité se reproduise et s’impose. En traduction aussi, il existe un mythe fondateur qui prohibe et qui donc fonde la possibilité ou l’impossibilité de la traduction : la tour de Babel, « C’est ce qui se nomme ici désormais Babel : la loi imposée par le nom de Dieu qui du même coup vous prescrit et vous interdit de traduire en vous montrant et en vous dérobant la limite. » (Derrida, 247).

Ces deux discours sur la Traduction et le Queer (très universitaires, blancs, euro-américains, et, je le répète, très loin d’être les seuls) dépendent d’une version performative du signe. Par performative nous pouvons entendre, qui fait ce qu’il dit, mais aussi qui se construit en se faisant, et que c’est la performance qui génère un récit de l’origine qui précède la performance : cette origine n’est qu’un chimère, un simulacre. Dans son article traitant les politiques de la traduction chez Butler, Iwona Janicka postule que « Both translation and performativity are similar in their potential for transformation owing to the failure inherent in their renewals. » (Universality and the Politics of Translation 369). Le modèle performatif du signe permet donc un renouvellement à chaque énonciation, ouvrant vers une vision mobile de l’identité, laquelle accueillerait potentiellement davantage d’énonciations aux marges (il n’y a pas de dehors) de la matrice de l’intelligibilité. En revanche, le rôle de la performativité dans les réflexions sur la Traduction s’articule différemment que dans le Queer : la performativité n’est pas le mouvement du signe qui permet une autre vision des choses, mais la traduction offre le modèle de performativité qui permet une autre vision des choses. La traduction, dans ces discours est synonyme de performativité :

By translation I first of all mean a process by which, in order to objectify cultural meaning, there always has to be a process of alienation and of secondariness in relation to itself. In that sense there is no ‘in itself’ and ‘for itself’ within cultures because they are always subject to intrinsic forms of translation. This theory of culture is close to a theory of language, as part of a process of translation—using that word as before, not in the strict sense of translation as in a ‘book translated from French into English’, but as a motif or trope as Benjamin suggests for the activity of displacement within the linguistic sign.

Dans la critique de présence métaphysique de Homi Bhabha, la traduction, comme dans la citation ci-dessus, est un « motif ou un trope », mais ceux-ci ne sont pas entendus comme ce qui couvre, dissimule ou représente une vérité « originale ». Les tropes, eux aussi, sont performatifs, et construisent le discours. La métaphore de la traduction, prise comme rouage performatif dans les écrits de Bhabha, opère un autre mouvement du signe, in other words, cherche à garder le signe en mobilité, comme « queer » chez Sedgwick, cité plus haut. Si le signe est mobile, il est donc également temporalisé, décalé ou disjoint dans le temps : « displaced activity of the sign » (Bhabha). Ceci est la force de la construction du discours chez Petäjäniemi-Brown, qui non seulement tourne autour du trope de l’appareil d’assistance de vie, mais se constitue par sa figuration même.

Le signe en traduction est donc entendu dans les deux sens : comme un modèle du signe proposé par la traduction, et comme le signe en voie de traduction. Théorie et pratique s’imitent, et cette imitation est une autre dimension de la performativité dans la traduction. La multiplicité du signe pensée à travers la traduction, la multiplication de ses facettes, de ses usages et devses interprétations n’est nulle part plus évidente que dans la démarche de la traductrice elle-même, dans ses recherches, ses hésitations, ses choix impossibles et ses échecs.

Le mauvais calcul chez Haraway est conçu comme quelque chose de positif : comme cette chose qui est en mesure d’interrompre et de faire s’effondrer les informatics of domination. Or, le mauvais calcul peut être conçu dans les réflexions sur la traduction comme l’inéquivalence, associé ainsi à un discours sur l’échec inévitable de la traduction. Le discours sur l’échec (failure), a été très critiqué au sein des penseurs de la traduction des trente dernières années. Le discours selon lequel le traducteur fera toujours moins que l’auteur est un discours qui justement, doit être relu à l’aune des écrits qui positionnent le traducteur comme créateur de son propre gré. Cette notion de failure a été également employée dans la pensée queere pour repenser ce que réussir voudrait dire — intégrer correctement la matrice d’intelligibilité, et être conforme aux normes de l’identité. L’art de l’échec a été notamment théorisé chez Judith/Jack Halberstam dans The Queer Art of Failure. Chez Butler, « The injunction to be a given gender produces necessary failures, a variety of incoherent configurations that in their multiplicity exceed and defy the injunction by which they are generated. » (199).

Ce qui est très intéressant dans ces discours sur l’échec, c’est qu’ils n’échouent pas, ou plutôt, ils n’échouent plus. Comment faire pour qu’ils recommencent à échouer ? Une voie possible, c’est que les universitaires pratiquent ce que Christopher Larkosh appelle la « politique de l’altérité » dans l’introduction à l’ouvrage collectif, Re-Engendering Translation : Transcultural Practice, Gender/Seuxality and the Politics of Alterity : « that of identifying with, and showing active and concrete public support for, people different from them/ourselves » (9). Les articles recensés dans cet ouvrage cherchent à redonner plus de visibilité à l’identité queere dans la traduction (ou à la manière dont la traduction en a rendu compte) et à examiner comment les enjeux de gender et queer peuvent être relevés et/ou soulevés à travers les pratiques de la traduction. L’énonciation des silences est donc un dernier point en commun très fort entre les travaux à l’intersection de la Traduction et du Queer.

La traduction queere

            Nous avons cité plus haut dans cet article la remise en cause d’une économie de « même » et « autre » que partagent les deux champs d’études de Traduction et de Queer. Je voudrais en guise de conclusion proposer deux stratégies de lecture et d’écriture comme pratiques possibles vers ce que l’on pourrait nommer la « traduction queere ». Ce serait donc moins : que peuvent apporter les lectures en traduction au domaine des recherches sur le Queer ? que : qu’est-ce que la tradition de la théorie queere peut proposer comme lecture/écriture performative qui jouerait le mouvement du signe en traduction ?

Pour commencer, je voudrais tout simplement proposer une lecture de la traduction de « même » et « same » comme ils apparaissent dans l’autotraduction de L’Innommable/The Unnamable de Samuel Beckett :

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A travers la traduction, le « même » révèle ses différences. La multiplicité inhérente à une seule, unique et « même » identité — identité comme idem et comme même — se montre, se joue et se déjoue : se déconstruit. « Même » ne devient pas « same », mais « still (15), « even » (292) (mais pas « odd » qui veut dire impair, étrange, queer), une différence qu’on arrive presque à dire, avant qu’elle ne s’échappe : « même si je le dis et je ne le dirai pas » (64) se traduit « Even if I say it and I won’t say it » (325). Est-ce qu’on arrivera à le saisir, à le dire ? Pas sûr encore, à la page 69/328, « même » se traduit tout simplement, « not to say. » Dans ce dernier exemple, « même » est traduit par ce qui n’arrive pas à se traduire, à se fixer dans l’autre langue, à répéter, à se réifier à travers une chaîne de significations. « Même » ou « same » ne peuvent pas non plus être pris en isolation (quand même). Ils sont « selfsame » (293), le « same old » (315, 335) ou le « same as ever » (393), et aussi, « same thing » et « same time ». Les choses mêmes ne sont pas les mêmes. Les variations prolifèrent et s’étendent sans fin comme les « same words » (370), qui ne sont pas les mêmes mots mais les « même termes » (139). Comment traduire « même pas » : « not even » ? « same step » ? Lire ces traductions du « même » à travers les deux langues implique aussi de lire entre les catégories, en suspens entre les changements de catégories grammaticales. Aux pages 134/367 enfin, le « même » est traduit par « different ».

Cette lecture se déroule dans l’entre-deux des traductions, un terrain de lecture que j’appelle le « tiers texte » (Robert-Foley, 2014). Lire dans le tiers texte implique une autre conception du texte, car la lectrice doit tenir en même temps deux système signifiants. Par conséquence, un modèle du signe qui repose sur un sens stable, fixe, unitaire et unifié, identique à soi-même, n’est plus praticable. S’ensuit l’effondrement de tout le système des binaires qui en découlent : entre « self/other, mind/body, culture/nature, male/female, civilized/primitive, reality/appearance, whole/part, agent/resource, maker/made, active/passive, right/wrong, truth/illusion, total/partial, God/man » (Hawaray). Mais je ne vous montre pas cela pour faire un breakdown du texte, mais afin de proposer un outil à lecture, une machine à traduire, qui suit une opération que j’appellerai l’ « épochè queere ». Il y aurait tout d’abord dans cette épochè queere un détournement effectué en même temps que le déplacement de l’autorité : l’écart d’un auteur canonique. Ceci explique par ailleurs le choix d’un auteur non seulement canonique, blanc et mâle, mais aussi d’un texte autotraduit, où une lecture détournante ne risquerait pas d’effacer la voix du traducteur. Nous ne nous faisons pas de soucis ici pour le logos auchtoriale du texte, nous ne sommes pas concernés par ce que Beckett « voulait dire ». Ensuite, plusieurs sens pour un « même » peuvent exister en même temps, pour créer une chaîne signifiante, qui raconterait une image, un réseau, un récit temporalisé plutôt qu’un sens fixe (même/same racontent/démontrent leurs différences). C’est-à-dire aussi que les registres de sens qui fixent les mots dans les catégories grammaticales et dans une hiérarchie signifiante quelle qu’elle soit sont dénoués pour être retissés. Un mot « même » peut changer de catégorie dans son interprétation, l’usage adjectival par exemple, qui qualifie un objet, est pris comme l’objet même de notre interprétation. Dans l’autre sens, le basculement ontologique de ce qu’est cette chose même subit la multiplicité des choses définies par ce même adjectif. Par « hiérarchie signifiante » j’entends un montage chronologique qui mettrait le signifié d’abord (et le signifiant serait sa représentation), ou le signifiant d’abord (et le signifié serait généré par l’emploi du signifiant), ou le phonème d’abord, ou le graphème d’abord… Les récits-modèles ne nous manquent pas. Dans le tiers texte, il n’y a pas de signification « before or after the law », les correspondances entre chaque registre de signification se trouvent en libre jeu, ou en boucle paradoxale. Les registres peuvent donc se confondre. Nous pourrons lire par exemple « même » comme « m’aime », ou comme « mème », de l’or ou de l’internet. Comme une machine à traduire, le mot peut être mal pris, et ça fournira un tout autre texte. Tout cela est permis par l’opération de l’épochè queere.

Finalement, cette lecture est performative : elle n’existe pas avant d’être lu, et elle se lit elle-même. Cette lecture du « même »/« same » est la lecture du mouvement translatif en tant que tel, comme on vient de le lire. Il construit le sens qu’on vient de lui donner, dans sa formulation même, la traduction comme le même désarticulé par les mêmes différences qui l’ont construite. C’est ainsi qu’elle peut se donner à l’écriture. L’écriture et la lecture se confondent dans l’épochè queere.

À la fin de son Siting Translation, Tejaswini Niranjana propose une lecture « stéréoscopique » (pour emprunter un terme de Marilyn-Gaddis Rose) de trois traductions d’un vacana, un fragment d’un texte sacré du Sud de l’Inde. Pour la troisième traduction, elle propose une traduction monstrueuse — c’est à dire une traduction trop littérale, qui interrompt la logique de la langue d’arrivée, « marking thereby what Derrida calls in ‘Des Tours de Babel’ a ‘displacement’ from the syntagmatic to the paradigmatic level, and inserting my translation into the attack against homogenizing and continuous narratives. » Cette stratégie fait partie de ce que je voudrais proposer comme un type de « traduction queere », par où les catégories linguistiques seraient décalées à travers la différence de la traduction. Un autre exemple se trouve dans la traduction et jeu sonore « Tupi or not tupi, that is the question » dans le Manifesto Antropófago de Oswalde de Andrade. Dans la traduction sonore, le corps du mot ne rencontre jamais son esprit, le sens n’est pas objet de la traduction, et corps traduit corps. Corps ne donne pas esprit, esprit ne donne pas corps.

Quelles seraient les autres instances détournantes qui pourraient être inclues dans un regroupement possible des « traductions queeres » ? Nathalie Stephens/Nathanaël dont les autotraductions textuelles et corporelles entre anglais/français jouent sur le genre et sur ce qui lie/t genre littéraire, genre linguistique et genre identitaire ? Stacy Doris, dont les re-appropriations des textes classiques (Hegel, Conférénces des Oiseaux, Popul Vuh etc) subissent un processus de métraduction et d’éclipse de citation, reformule justement la formulation du canon selon un processus ludique d’imitation et de ré-écriture non-occidental ou non-contemporain (mais donc hyper contemporain) ? Les appropriations et collages textuels de Kathy Acker dont Doris s’est beaucoup inspirée ? La transcreation de Haraldo de Campos ? Les cut ups de Burroughs, ou d’Anna Gibbs ou les cunt-ups de Dodie Bellamie ? Le poème « Via » de Caroline Bergvall constitué de 48 traductions des trois premières lignes de l’Enfer de Dante ? Les effacements des poèmes d’Emily Dickinson fait par Jen Bervin qui ne laisse que les marques de ponctuation, et les textiles qu’elle a fabriqué, issus de ce processus et qui tissent les marques de ponctuation avec du fil rouge sur une toile blanche ? Les autotraductions et adaptations des textes canonique entre le français et le créole martiniquais de Térèz Léotin ? Le livre Parse, de Craig Dworkin, lequel traduit un livre de grammaire latine de A. Edward Abbott, vers sa propre terminologie grammaticale ? Ce que Erin Mouré appelle son processus de « transelation »  dans son Sheep’s Vigil by a Fervent Person, « traduit » depuis le portugais (qu’elle maîtrise peu) et injecté d’événements de sa propre vie ? Les traductions de Catulle par Brandon Brown, The Poems of Gaius Valerius Catullus, et de Baudelaire Flowering Mall qui traduit la figure même de l’auteur en figure de traducteur, en remplaçant les commentaires de la vie personnelle de l’auteure par celle du traducteur ? La Tempête d’Aimé Césaire ? Les transcriptions des voix par Hannah Weiner ?  La traduction de Mani Rao de Bhagavad Gita qui négocie entre les traductions littérales et les traductions plus allusives afin de défamiliariser le texte pour le rendre paradoxalement plus accessible pour les lecteurs de poésie contemporaine ? Bénédicte Vilgrain qui « traduit » les « lettres » de l’alphabet tibétain ? Jonathan Stalling qui, dans « Yinglishi », retraduit les transcriptions sonores en chinois des manuels pour apprendre l’anglais ? « Translation » de John Cayle, où les passages d’une traduction de Benjamin alternent entre trois états « surfacing, floating ou sinking » selon un algorithme numérique ? Les cybertraductions de la poésie Zaum par Jonathan Baillehache, qui de même alternent les versions et les parties selon des algorithmes aléatoires ? Les expériences du groupe « Outranspo » qui fabrique des consignes de création à partir des « traductions à préfixe » : la sonotraduction (la traduction sonore, comme « tupi or not tupi »[6]), la microtraduction (traduction qui décompose un mot en plus petites unités) ou la macrotraduction (qui rassemble les unités pour en faire une unité plus grande en traduction), l’antotraduction (qui traduit un terme par son contraire), la néotraduction (traduction vers une langue qui n’existe pas), l’ultratraduction (traduction depuis un texte incompréhensible), la polytraduction (traduction vers plusieurs langues), la pluritraduction (traduction avec plusieurs traducteurs), la transtraduction (qui traduit en changeant le genre grammatical)…. il y a une cinquantaine de traductions à préfixe sur une liste qui ne cesse pas de croître[7].

Je ne suis pas du tout convaincue que suivre la logique de classification et de regroupement, ou même soumettre à la « pression définitionelle » (QZ 149) sera la bonne démarche pour la traduction queere. Il faudrait peut-être plutôt passer par la pratique pour proposer « une seconde re-traduction du terme ‘queer’ » (QZ 150), en s’appuyant sur la première donnée en exergue au début de cet article :

« Traduction donc : Ordure, taré, pédé, anormal, gouine, trou du cul, malsain, vraiment bizarre ! »

Sera présenté à la journée d’étude sur la Littérature Comparée et le Gender-Queer le 16 Septembre, 2016

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[1] Jerome McGann et Lisa Samuels Deformance and Interpretation : http://www2.iath.virginia.edu/jjm2f/old/deform.html

[2] J’emploierai les majuscules lorsqu’il s’agit des Champs de Recherches.

[3] Valérie Traub cite Carla Freccero, Jonathan Goldberg and Madhavi Menon.

[4] Cox cite la préface de Cusset à la traduction anglaise de son livre The Inverted Gaze : Queering the French Literary Classics « my book being the first one with the word ‘queer’ in its title to have been written in the language of Proust and Balzac. »

[5] Selon une intervention de Heta Rundgren au colloque Itinéraires croisés : genre, féminismes et politique, le 28 Mars, 2014 : « L’opposition rue/université, une construction réaliste ? »

[6] Une ligne du Manifesto Antropofago

[7] Je vous renvoie vers le site de la revue Drunken Boat pour la première publication du groupe Outranspo, où la liste complète sera disponible dès fin Septembre.

Télécharger ici l’article sur « La traduction queere » écrit par Lily Robert Foley (2016)